OPINION

 

Où en sommes nous ?

Nafaa Mohamed Salem

 

Au moment de la création de l'ONU en 1945, 750 millions de personnes vivaient dans des territoires qui n'étaient pas autonomes et qui dépendaient de puissances coloniales.

Pour mettre fin à cette situation tragique, l'Assemblée Générale de l'ONU a adopté en 1960 une Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples colonisés. Cette déclaration sur la décolonisation, affirme que tous les peuples ont le droit de libre détermination et proclame la nécessité de mettre rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme. Un comité spécial de la décolonisation a été créé cette même année chargé d'étudier l'application de la Déclaration et de formuler des recommandations concernant sa mise en oeuvre. Il reste aujourd'hui 16 territoires non autonomes y compris le Sahara Occidental, ce qui fait que le territoire du Sahara Occidental ne fait pas partie du territoire marocain. Si le territoire n'appartient pas légalement au Maroc, et puisque ce dernier y est présent de facto politiquement, économiquement et militairement, il convient donc, à Annan, Van Walsum et aux Nations unies à travers la Minurso de qualifier la zone sous contrôle marocain de "territoire occupé". En effet, l'article 42 du Règlement de La Haye (dont la valeur coutumière est incontestée) dit qu' « Un territoire est considéré comme occupé lorsqu'il se trouve placé de fait sous l'autorité de l'armée ennemie. L'occupation ne s'étend qu'aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s'exercer ».

La majorité des solutions des conflits de ce genre passaient d'une manière ou d'une autre à travers les métropoles concernées. L'Espagne n'a montré aucun intérêt à cet égard, alors que le territoire du Sahara Occidental est inscrit sur la liste des territoires non autonomes relevant du chapitre 11 de la Charte des Nations unies. En effet, l'Organisation des Nations unies considère, au sens de chapitre, que ce territoire «ne fait pas partie intégrante du territoire marocain et le Maroc n'est pas reconnu comme étant, en droit, une puissance administrante. L'Espagne est encore, selon les lois de l'ONU la puissance administrante du territoire.

L'ONU et les gouvernements Espagnols n'ont pas voulu, non plus, incorporer l'Espagne dans la recherche d'une solution du conflit du Sahara Occidental malgré la responsabilité historique et contemporaine de l'Espagne dans toute affaire relative au Sahara Occidental, permettant ainsi une réabsorption douce de la grande trahison de l'Espagne.

En outre, la recherche d'une solution de ce conflit, ne devrait nullement se réduire à une combinatoire de données marginales par rapport aux réalités historiques et légales (comme, la stabilité de la région, les relations entre le Maroc et l'Algérie, la protection des intérêts, pression sur le Maroc etc..), mais elle devrait inclure au premier lieu, et pas en passage, des références concrètes posées sur le terrain par l'existence de La République Arabe Sahraouie Démocratique, le Front Polisario et surtout, surtout la réalité du Peuple Sahraoui et son histoire séculaire.

Pourquoi on a attribué la « complication » à ce conflit, en argumentant au même temps, d'une souveraineté du Maroc qu'aucune institution juridique internationale ne lui reconnaît ?

La question du Sahara Occidental est d'abord et avant tout une question de décolonisation relevant de la résolution 1514 (XV) puisque dès 1965, l'Assemblée Générale a appelé à la décolonisation de ce territoire et à l'autodétermination de son peuple au moyen d'un referendum d'autodétermination (Résolution 2072 à 2229).

Le 16 Octobre 1975, la Cour Internationale de Justice a rendu un avis consultatif dans lequel elle a statué que " les éléments et renseignements portés à sa connaissances n'établissent l'existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara Occidental d'une part, le Royaume du Maroc ou l'ensemble mauritanien d'autre part. La Cour n'a donc pas constaté l'existence de lien juridiques de nature à modifier l'application de la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée Générale des Nations Unies quant à la décolonisation du Sahara Occidental et en particulier l'application du principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire".

L'avis rendu par le Conseiller juridique de l'ONU a, quant à lui, souligné que le Maroc n'était pas une puissance administrante du territoire, que les accords Madrid de 1975 n'avaient transféré aucune souveraineté à leurs signataires et que le statut du Sahara Occidental en tant que territoire non autonome n'avait pas été affecté par ces accords.

Où est donc la complicité ?

1. A) Soit on traite la solution d'un point de vue juridique, et pour faciliter la compréhension des questions juridiques liées à ce conflit, on ne doit pas ici retracer la chronologie de ce que veulent les Marocains, leurs alliés européens et les Algériens, on doit plutôt soulever toutes les questions de droit international qui se posent dans ce conflit et qui ont été particulièrement saillantes tout le temps. On tenta- en vain - de se limiter à un certain fétichisme des règles, procédures baroques et formalités inventées récemment par l'hétérogénéité politique française et américaine et les vœux illicites de Annan et de Van Walsum dominés par une certaine image bureaucratique et paperassière du droit, qu'on n'hésite pas à lui donner une forme juridique, en singeant les procédures du droit international en relation à l'autodétermination du peuple Sahraoui.

Cette suspicion à l'égard du droit légitime du peuple Sahraoui à l'autodétermination a été accompagnée d'une méfiance européenne profonde envers le statut juridique et administratif du territoire, saisissant exemple de l'exploitation des richesses naturelles et les droits de l'homme qui ont des failles semblables.

Dans ce cas, personne n'a le droit de créer un « Statu quo » issu d'un affrontement entre deux stratégies contradictoires, celle du droit international et celle des convoitises coloniales des ex-colonisateurs. La dernière est axée sur un système spécifique de pratique discursive lequel, à son tour, se greffait sur plusieurs jongleries économiques et sociales, régionales et internationales et qui n'ont rien à voir avec le droit, la légalité et la justice.

Pour rester bref, le droit international veut dire donc Référendum. Mais, pour moi, seul le référendum dans sa version originale. Toute autre approche risque de violer ce droit. Parmi les dizaines de formules présentées sous plusieurs formes, l'Accord-cadre attire un peu l'attention. Ceux qui argumentent que cet accord n'abandonne pas le référendum en tant que tel, à mon avis personnel, c'est pire, il abandonne le principe du droit à l'autodétermination dans son ensemble, par conséquent, le Sahara Occidental deviendra comme l'Ecosse dans le Royaume Uni ou la Catalogne sous le Royaume d'Espagne. L'accord prévoit effectivement un référendum qui serait organisé après une période dite provisoire, le Maroc aurait compétence exclusive sur les relations extérieures, la sécurité, la défense, y compris la détermination des frontières, la préservation de l'intégrité territoriale contre toute tentative de sécession, auxquelles ont peut ajouter automatiquement le contrôle des armes, de la monnaie, des télécommunications, des douanes, etc. Il reste donc aux Sahraouis les compétences suivantes : gouvernement local, budget et impôts locaux, sécurité interne, culture, éducation, commerce, transport, industrie, etc.

Dans cette période de cinq ans et lors de laquelle pourraient voter tous ceux qui auront "résidé en permanence au Sahara occidental durant toute l'année précédente". (Ce la veut dire que ceux qui entrent dans le territoire même seulement une année avant l'organisation du referendum auront le droit de voter). Autrement dit, tous les "colons" Marocains déjà présents, et même ceux qui s'installeront un an avant le référendum, pourront voter. Dans ces conditions, les Sahraouis, seuls titulaires du droit à l'autodétermination, selon le droit international, ne représenteraient qu'une faible minorité parmi ceux autorisés à voter, ce qui, en l'état actuel, conduira à une intégration sanctionnée par un référendum. Et c'est ici le déraillement. On assiste donc à une autodétermination pour les peuples du Maghreb puisque tous les habitants y participeront quelle que soit leur origine. Parmi plusieurs soucis, le contrôle des individus me semble impossible. D'après cet accord, le Sahara deviendrait marocain, avec un référendum qui semblerait confirmatif comme le souhaitent les Marocains... mais toujours pas d'autodétermination.

L'accord-cadre viole donc, à mon avis, le droit des Sahraouis à disposer d'eux mêmes.

B) La nouvelle approche marocaine n'a absolument rien changé. Les deux voies traditionnellement admises étaient l'indépendance et l'intégration au Maroc et le choix devait se faire via le référendum. Les autorités marocaines ont toujours tenté de faire accepter une « extra voie » qui consiste en une intégration au Maroc avec une certaine autonomie du territoire. Il ne s'agit donc pas d'une solution différente que celle de l'annexion par le Maroc. Cette « idée » est nulle par le Droit International en vigueur traitant de ce conflit.

C) les négociations préconisées dans les nouvelles tendances de Peter Van Walsum, ne mèneront à rien. Les « négociations sans conditions préalables » donnent sans doute, au premier coup, l'exclusion du référendum. Le référendum est la première condition qui se pose selon le droit de l'autodétermination concerné.

La suggestion « que les parties pourraient résoudre le conflit si elles négociaient sur la base d'un compromis entre le principe de légalité (autodétermination) et le principe de réalité (annexion de facto) » est un labyrinthe qui plonge le processus dans l'impasse, deux lignes parallèles ne se joignent jamais.

Disant que le Maroc ne reconnaît pas la représentativité que les Nations unies accordent au Front Polisario pour négocier au nom du peuple du Sahara Occidental, en revanche est-ce que l'ONU et le Front Polisario reconnaissent la représentativité que le Maroc accorde à « lui-même » pour négocier au nom du peuple du Sahara Occidental. Le Maroc a sans cesse négocié avec le Polisario.

2. Soit on la traite d'un point de vue basé sur les calculs économiques et géopolitiques, cela veut dire renoncer aux principes d'autodétermination et faire le business. Ce qui est à la fois une violation flagrante de la loi et la légalité internationale, est une trahison des Sahraouis à leur histoire, pays et martyrs.

Le neó-colonialisme a repoussé les ex-colonies au point mort. L'indépendance politique est aujourd'hui incomplète. Les Organisations des Nations unies et de l'Union Africaine sont trop faibles aujourd'hui pour pouvoir s'opposer aux ingérences extérieures. L'échec de ces derniers au Sahara Occidental est un exemple. Il est regrettable que nous restions dépendants et son émancipation est limitée les décisions de nos maîtres coloniaux.

C'est avec l'effet direct et indirect de ce néo-colonialisme que les Sahraouis se voient dénier leur droit à l'indépendance au profit du Maroc, avec la complicité tacite de la communauté internationale, représentée principalement par les ex-puissances coloniales de la région et en particulier la France et l'Espagne.

Voyant, même avant la solution du conflit du Sahara Occidental, ces pays dépouillent les ressources du territoire à travers la conclusion des accords de pêche illégaux sous le couvert de l'Union Européenne (membres des Nations unies qui sont supposés garder et veiller à ce que la légalité internationale soit respectée) et honorer leurs engagements et les accords qu'ils ont volontairement signés.

Vive l'Intifada.

Nafaa Mohamed Salem
Stockholm.

30.06.06


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