OPINION

 

Ensemble pour une autre société

Salah Khatri

La société est le résultat d'un travail constant à travers l'action collective et individuelle pour dégager une présentation politique de la vie sociale. Les exigences sociales deviennent le moral de la société sur une base de la volonté générale, et sous celle des valeurs.La société n'est pas la rencontre aléatoire d'éléments épars, elle repose sur quelques principes essentiels, comme un thème d'une cohérence fonctionnelle dans laquelle la diversité des statuts, des rôles et des institutions contribue à assurer l'intégration de l'ensemble. Elle donne un sens à l'ordre et au changement, elle désigne une totalité organisée.
L'unité de la société repose sur les lois simples de l'utilité fonctionnelle, sur les valeurs communes, sur la complémentarité de la division du travail, sur l'ajustement des acteurs à leurs rôles.
La politique doit assurer la cohésion pratique et l'unité de la société. Ces deux tâches sont à la racine même de l'état moderne, avec l'intégration fonctionnelle de la société autour de droits et d'une administration rationnelle, et l'articulation de la société autour de la nation. Le cœur des difficultés actuelles du politique provient de l'affaiblissement de ces deux dimensions.
Notre pouvoir politique est mis en cause dans ses capacités d'assurer l'intégration pratique de la société. La crise de pouvoir est avant tout sociale et culturelle. Le sens des difficultés actuelles, il s'agit d'une crise des institutions, un malaise lié au sentiment de frustration envers le pouvoir qui masque sa démission totale de toute orientation de la société. La tension reste vive entre les demandes de performance et d'adaptation et les demandes d'expression et de subjectivité, le débat reste plus ou moins sourd.
La distance devient trop grande entre les exigences de fonctionnement du pouvoir et les conditions de vie des citoyens, entre un système politique et les identités collectives.
La conception d'un lien politique est un véritable ciment symbolique de la société, et le seul critère permettant de définir les relations des individus à partir d'une représentation de la société comme volante.
La société sahraouie aujourd'hui ne peut plus se penser, en l'absence de toute articulation définitive, qu'en fonction de sa propre interrogation sur elle-même et avec la conscience que la réponse n'est jamais définitive.
Les processus de progression et les relations pédagogiques ne sont plus fixes et réglées par le système de rôles et les valeurs, l'école n'est plus une machine sociale, située pour diffuser et se transformer à travers des rites et des rôles, ce sens est devenu problématique, en quoi les apprentissages scolaires sont-ils nécessaires à la formation de soi et de son autonomie.
Toutes les institutions ont perdu ce qui faisait leur essence, leur identification à des principes révolutionnaires et leur capacité de progresser les individus à partir de ces principes.
La perception des intérêts, la construction des identités sont devenues les principes régulateurs de l'action.
Cette situation demande une organisation politique fondée sur la prise en charge prioritaire, voir exclusive, des questions proches des citoyens. Comment transformer ces problèmes en politique générale ?
Dans tel contexte, il devient tentant de réduire cette distance par un nouveau rôle du politique, d'un mécanisme d'identification des individus au système politique.
Le divorce entre les citoyens et le pouvoir risque de troubler le processus de progression.
La difficulté de l'imagination donne toute sa signification à l'écart entre le peuple et les hommes de pouvoir.
Il est nécessaire de reposer la vie politique sur l'attachement national et proposer à la société un projet global.

L'éducation nationale

La famille, l'école, la religion sont des institutions fondamentales des la société, elles en assurent la reproduction et la stabilité, elles produisent des acteurs adaptés aux besoins de la société. Aucune de ces institutions ne fonctionne plus comme des appareils capables de transformer des valeurs en normes, et des normes en personnalités individuelles. Plus l'individu progresse dans des valeurs modernes et universelles, plus il fait l'apprentissage de la liberté et de l'esprit critique.
La liberté n'est pas seulement l'oubli de progression et des définitions ritualisées ou inconscientes, elle est la reconnaissance conjointe de la nécessité et de l'autonomie morale.
Cette double exigence de progression et d'autonomie est au centre des conceptions de l'éducation, notamment du modèle républicain.
L'éducation est sans doute une adaptation au monde tel qu'il est, mais c'est aussi l'accès à une rationalité autonome et une capacité critique.
L'école devrait instituer un ensemble de valeurs, un ordre social, un type de citoyenneté.
L'école n'a pas seulement pour objectif de s'adapter au monde, elle doit instituer un type d'individu contre le monde.
Ce modèle entraîne nombre de coupures entre l'école et la société, l'une d'elles concerne la distinction entre l'élève et l'enfant, l'école incarne l'universalisme républicain contre la société. La mobilité scolaire est mise en oeuvre au nom de l'intérêt national.
Il n'y a pas d'éducation qui ne soit à la fois guidée par un projet de progression, et par un projet de subjectivation, d'autonomie des individus. Elle en appelle aussi à la dignité, à la liberté, à des valeurs invitant éventuellement au sacrifice, ce que n'exigent ni les intérêts, ni le seul conformisme du groupe. Il faut fonder l'école sur cette croyance.
La culture peut être entendue comme une définition du sujet et de la créativité, elle est à la fois une morale et une idéologie.

20 MAI 2006

Salah Khatri


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