OPINION

 

Marocains (es) l'heure du choix a sonné !

Par Baba Sayed

 

N'ayant ni l'expérience de son père, ni son charme séducteur et ses capacités intellectuelles, et encore moins sa vive intelligence et sa " baraka " (un art de communicateur inné conjugué avec la capacité de se faire passer auprès des services de renseignement de certaines puissances occidentales pour un bouclier indispensable), Mohamed VI que l'on dit très peu porté sur les affaires publiques, gère, depuis son accession au trône, les affaires du Royaume comme il peut, c'est-à-dire très mal. Pourtant l'on se souvient bien que dès son accession au trône tout ce que compte la maison chiraquie comme conseillers en communication et faiseurs d'image ont été mobilisés dans le but de sculpter, dans les esprits et les imaginations, au successeur de Hassan II la séduisante et attachante image qui convient à un protégé de la France.

Mettant l'accent sur ce qui paraissait le plus différencier le père du fils, les conseillers en communication de la maison chiraquie, assistés de près par leurs collègues " indigènes " mobilisés par Fouad Al-Himma et ses sbires du ministère de l'intérieur marocain, n'ont pas hésité à souligner, dans le cadre des articles et reportages "inspirés" des différents médias, l'importance différence de méthode aussi bien que de philosophie entre l'ancien vieux roi machiavélique, tyrannique et impitoyable, "vieux jeu et vieux style", et son successeur "roi des pauvres", décontracté, "démocrate" et "moderne" qui n'hésite pas, preuve irréfutable de son civisme, à ordonner à son chauffeur de s'immobiliser, comme monsieur tout le monde, devant les feux rouges de circulation. En lisant les différents articles et reportages consacrés à la "nouvelle ère", à ce qui devraient être les nouveaux principes et valeurs de gouvernance que le nouveau roi compte s'imposer à lui-même dans sa manière "toute démocratique" de diriger le pays, on s'est pris à rêver que l'archaïque et sinistre Maroc est décidément en train de se faire une peau neuve et de se frayer une voie originale vers le progrès, la prospérité et le développement. Grâce aux importants moyens humains et matériels mobilisés par la maison chiraquie avec le concours des différentes officines du Makhzen, l'antipathique autocrate et milliardaire Mohamed VI est devenu, grâce à la magie enchanteresse de certaines plumes serviables et serviles, gracieusement appointées, le modèle de dirigeant que l'on souhaiterait avoir à la tête de chacun des pays arabes et musulmans, le type de dirigeant qui leur faudrait pour renouer avec leur prestige et grandeur d'antan. Quelle chance pour le Maroc, ne pourrait on éviter de chuchoter !!

En relisant les mêmes articles et reportages en question quelques années plus tard, l'on se rend compte à quel point le quotidien du marocain, la nature de l'État marocain, répressif et corrompu, le style et la méthode du jeune roi, tout aussi archaïques et tyranniques que ceux de son père, contrastent systématiquement avec l'image d'Epinal que les conseillers de la maison chiraquie et ceux de Fouad Al-Himma nous ont servie.

Incapable de concrétiser les espoirs que son arrivée au pouvoir a suscités, Mohamed VI a fini par accepter de devenir l'exécutant docile des plans élaborés par l'état-major marocain et les services de renseignement du ministère de l'intérieur. Après les premières années d'euphorie, le discours sur la démocratie, les règles de la nouvelle gouvernance, les droits de l'homme et les libertés fondamentales, a cédé progressivement mais irrésistiblement le pas à un discours sécuritaire et martien dont l'objectif est de favoriser la mobilisation permanente des moyens et des ressources du Royaume en vue de contrer les desseins des "ennemis" du Royaume, l'Algérie et le Polisario, et maintenir les "provinces du Sud" dans le giron marocain. Les marocains (nes) qui espéraient voir le nouveau roi les aider à améliorer leur quotidien, leur garantir des logis décents et les services essentiels à la vie (eau potable, électricité…etc.) les protéger contre les dépassements et les abus de l'État makhzénien, criminel et corrompu, doivent désormais déchanter. La priorité de l'État est, comme sous l'ancien régime, de renforcer les pouvoirs du Makhzen (l'armée et les services de renseignement) afin de garantir la pérennité de la monarchie et de lui donner la possibilité de maintenir hors d'État de nuire les cent cinquante milles militaires marocains au Sahara Occidental. Dans le cadre de cette orientation, et comme sous l'ancien régime, toute ouverture, toute forme de liberté ou de droit, ne peut être considérée que comme un risque d'exposer l'unité nationale aux aléas de la désunion, une incitation criminelle au désordre et à l'anarchie, et ce à un moment où la nation a besoin de discipline. La liberté de la presse, la démocratie, les droits de l'homme, deviennent dans le cadre de cette logique, un moyen inacceptable et intolérable de servir la cause des ennemis de l'intégrité territoriale du Maroc, l'Algérie et le Polisario.

Du moment où il a manqué de cran et s'est montré incapable d'envisager un autre traitement à la question du Sahara Occidental que celui mis au point au cours des dernières trente années par Hassan II et son grand vizir Basri, le roi est devenu l'otage du Makhzen, le simple exécutant de la volonté et des desseins des généraux de l'armée et des patrons des services de renseignement. En se montrant incapable d'envisager une solution courageuse au problème du Sahara Occidental autre que la chimérique et inopérante autonomie, le roi s'est, du coup, privé de la possibilité d'asseoir son régime sur de nouvelles bases et a perdu, en conséquence, une occasion en or pour lui donner une nouvelle et réelle légitimité. Au lieu de procéder aux nécessaires, profondes et urgentes réformes que requiert le déliquescent État marocain, de mettre fin à la politique absurde consistant à considérer que la "marocanité" du Sahara Occidental est la première priorité du Royaume, de continuer d'y sacrifier l'avenir du pays et celui de ses citoyens (nes), le roi a préféré la voie de la facilité, c'est-à-dire d'agir, pour paraphraser Nietzsche, en esclave et non en Maître. Au lieu d'imprimer au pays une nouvelle orientation qui lui permettrait de se réconcilier avec son époque, de relever les multiples et complexes défis intérieures et extérieurs auxquels il est confronté depuis des décennies, le roi, en se contenant du rôle peu glorieux de simple exécutant des stratégies des généraux de l'armée et des limiers des services de renseignement, a fait preuve d'un manque manifeste et coupable de courage et de leadership. Plus qu'une erreur c'est une faute impardonnable !

Au lieu d'aider le Royaume à sortir de la crise profonde où l'a plongé, pendant cinquante ans, un régime de tyrannie implacable, le roi consacre le clair de son temps à ses petits plaisirs quotidiens : ski, course automobile et grandes boites de nuits. En décidant d'ignorer les aspirations légitimes de son peuple à la démocratie et à la liberté, il ne fait, en réalité, que fragiliser encore davantage les assises de de son régime et hypothéquer l'avenir du Maroc.

En décidant d'instrumentaliser la question du Sahara Occidental, comme l'avait fait, avant lui, son père, et de l'utiliser comme prétexte commode pour museler ses opposants et refuser d'accéder aux demandes pressantes des marocains à une vie démocratique, digne et libre, le roi ne laisse, croyons-nous, d'autres choix aux authentiques démocrates marocains, pour délivrer leur peuple de la servitude, que de s'allier aux Sahraouis. Car c'est seulement de cette manière, croyons-nous, qu'ils peuvent aider leur pays à guérir de la maladie du Sahara qui risque de l'emporter après l'avoir fait saigner pendant plus de trois décennies.

24.12.05


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