OPINION

 

Les sahraouis refusent de se laisser confisquer leur droit à la parole

Baba M. Sayed

 

Pendant de longues années, de très longues années, la direction du F.Polisario a combattu avec acharnement toutes les opinions, les avis ou les discours qui pourraient s'opposer ou contredire , en partie ou en totalité, son discours officiel.

L'AMN (les services de renseignement sahraouis) sous la direction, entre autres, de Sidahmed Al Batal et d'Omar Hadrami n'avait qu'une seule et unique mission, imposer par tous les moyens la pensée unique, et à cet effet, traquer, par tous les moyens, les opposants sahraouis considérés tous, sans discernement, comme des « infiltrés », c'est-à-dire des agents de l'ennemi marocain, mauritanien ou français…

Au cours de ces années de plomb, des dizaines de sahraouis ont été sauvagement torturés dans des mouroirs, qui, n'avaient rien à envier à Tazmamart, Derb Moulay Chrif, Kala't M'gouna ou Tmara au Maroc, avant d'être physiquement liquidés.

Pendant de longues années, de très longues années, les agents des services de renseignement sahraouis, sous les ordres de Sidahmad Al Batal ou d'Omar Hadrami, pouvaient enlever qui ils veulent, quand ils le veulent, l'emprisonner, le torturer ou le liquider physiquement. Sous la direction de Sdiahmed Batal et Omar Hadrami, les agents de l'AMN jouissaient, c'est bien connu, d'une impunité totale et absolue.

Qui osait pendant ces longues années s'opposer aux directeurs successifs de l'AMN, Sidahmed Batal ou Omar Hadrami sans risquer de payer de sa vie son geste ? Qui osait s'opposer à leurs mesures, mettre en cause leurs comportements ou questionner le bien fondé de leurs « approches sécuritaires » ?

A part quelques « fous » à qui l'on a fait vite comprendre le caractère « insensé » de leur geste, personne ne pouvait risquer le moindre mot critique ou lever le petit doigt contre les agents de l'AMN et encore moins contre, Sidahmed Batal ou Omar Hadrami, leurs potentats supérieurs.

Du moment où les agents de l'AMN et ses directeurs défendent annidam (le système), la population sahraouie ne peut que les aider, y compris par la dénonciation systématique de potentiels « infiltrés », à accomplir leurs « exaltantes » tâches au profit de la nation. C'était là l'unique réponse que l'on donnait invariablement en « très haut lieu » à ceux et celles qui s'inquiétaient, discrètement, des graves dérapages de l'appareil sécuritaire sahraoui et des potentielles préjudiciables conséquences qu'ils pourraient avoir sur l'image de marque du peuple sahraoui et son unité.

Mettant à profit le soutien inconditionnel dont ils jouissent en « très haut lieu » et le climat de terreur qu'ils sont arrivés à entretenir à tous les échelons de l'organisation (politique, sociale, militaire et diplomatique), Sidahmed Batal et Omar Hadrami n'ont pas éprouvé de difficultés particulières à s'imposer progressivement comme les maîtres effectifs du Front Polisario. En transformant le gouvernement sahraoui et le F. Polisario en caisses de résonance de leurs discours sécuritaires, Sidahmed Batal et Omar Hadrami ont montré qu'ils détiennent toutes les cartes du « jeu sahraoui » entre leurs mains. Toutes les promotions et toutes les « chutes » sont devenues, c'est de notoriété publique, leurs faits et ils ne s'en cachaient pas, par ailleurs.

En quelques années, les puissants directeurs de l'AMN sont arrivés, par une politique méthodique de zizanie et de discorde, à entretenir dans les campements de réfugiés sahraouis un climat de suspicion et de méfiance généralisés.

Pour discréditer et neutraliser les opposants sahraouis, ils n'hésitaient à se couler dans la peau des psychologues staliniens.

Prêtant systématiquement aux opposants et aux critiques des intentions « intéressées » ou « putschistes », Sidahmed Batal et Omar Hadrami sont parvenus à « figer » le temps dans les campements de réfugiés sahraouis et à miner les relations d'estime et de confiance que les cadres du F. Polisario entretenaient jusqu'alors entre eux.

En peu de temps, le F. Polisario, de laboratoire d'idées où la liberté d'expression et de critique étaient reconnues et pleinement assumées, est devenu progressivement une organisation rigide, autoritaire et sclérosée dont la raison d'exister est d'anesthésier les forces et les énergies en imposant à ses militants et militantes une vie et une culture de caserne où l'obéissance est le seul droit accepté et reconnu.

Plusieurs années après le congédiement de Sidahmed Batal de la direction de l'AMN et le départ d'Omar Hadrami pour le Royaume du Maroc, les effets dramatiques de la politique sécuritaire se font toujours sentir.

Rien n'est venu entre temps les corriger.

A quand un aggiornamento global qui permettrait au F. Polisario de se débarrasser du lourd héritage légué par les puissants directeurs de l'AMN sahraoui, Sidahmed Batal et Omar Hadrami et ainsi retrouver la confiance perdue de ses militantes et militants ?

Jusqu'à quand devrait-on s'accommoder d'une politique d'Inaction et de temporisation consistant à laisser systématiquement de côté des questions pressantes qui appellent des réponses urgentes au risque de voir les problèmes s'aggraver et s'aiguiser, et les difficultés se multiplier et devenir insurmontables ?

Il est en tout cas évident que les Sahraouis (es), révoltés, dans leur écrasante majorité, par la manière dont la direction du F. Polisario gère, depuis les dernières années, leurs affaires, refusent, sous le prétexte que la guerre avec l'ennemi n'est pas finie, de se laisser confisquer -comme du temps de Sidahmed Batal et Omar Hadrami- leur droit à la parole.

13.05.06


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