OPINION

 

Les opportunités peuvent bien ne pas se renouveler !
Partie I

 Baba Sayed

 

 

Nous avons, dans un précédent article (1), reproché à l'actuel ministre espagnol des affaires étrangères espagnol sa tendance fâcheuse de vouloir, pour des raisons de politique intérieure, minimiser les graves et nombreux obstacles qui se dressent devant une possible solution de la question du Sahara Occidental. Entretenant les meilleures relations avec le Makhzen - auquel il doit, en grande partie, son arrivée aux affaires - l'actuel gouvernement socialiste espagnol essaie -au lieu de reconnaître la responsabilité historique de l'Espagne dans la tragédie que connaît, depuis plus de trois décennies, le peuple sahraoui et de déployer les efforts nécessaires - comme le lui recommandent les peuples espagnols d'y mettre fin - de projeter de lui l'image du pays dévoué à la cause maghrébine et cherchant par tous les moyens de la défendre. En fait de cause maghrébine, c'est l'héritage de Felipe Gonzalez que l'on voudrait perpétuer et préserver, c'est-à-dire l'alliance contre nature entre un certain socialisme affairiste à l'espagnole et la monarchie de droit divin marocain.

Mais quel que soit l'intérét des rapports hispano-marocains, sur lesquels nous reviendrons certainement un jour dans d'autres tribunes, ce ne sont pas, à proprement dit, ces rapports qui sont le sujet qui nous préoccupe pour le moment. En fait, nous n'en avions parlé que pour souligner le caractére mystificateur du discours de M. Moratinos quant à la possibilité d'une solution proche du conflit du Sahara Occidental, solution qui nous paraît plus lointaine que jamais.

Car ce que ne veut pas dire M. Moratinos et que nous voudrions nous mettre en exergue, c'est que le refus du roi de régner sans pour autant assumer les charges du pouvoir exécutif, a pour conséquence directe l'éloignement de toute perspective de solution de la question du Sahara Occidental, du moins une solution qui préserve le droit essentiel du peuple sahraoui, à savoir celui de décider librement de devenir dans le cadre d'un référendum libre, général et régulier.

Comment, peuvent bien s'interroger certains ?

Nous avons montré dans le précédent article en question que feu Hassan II, sans pour autant être trop explicite, a envahi le Sahara Occidental pour réaliser certains objectifs bien précis, le plus important d'entre eux était, à notre avis, celui de se débarrasser d'une armée marocaine qui a failli, par le moyen de deux tentatives successives de coup d'Etat, débarrasser le Maroc et la région, de son pouvoir despotique, un pouvoir qui, faut-il y insister, n'a pu durer, bien avant le conflit du Sahara Occidental, qu'aux dépens de son propre peuple, de ses voisins (2) et des causes sacrées de la nation arabe et musulmane (3). Nous avons également précisé dans le même article les raisons qui nous paraissent avoir été à la base du changement tactique (4) opéré par le monarque défunt à la fin des années quatre-vingt et qui a permis l'intervention du cessez-le-feu et le déploiement de la Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara Occidental..

Les quelques concessions consenties par le Monarque sur le chapitre des droits de l'homme (fermeture non vérifiée des mouroirs de Tazmamart, de Kal'at M'gouna, Derb Moulay Chérif etc...), l'acceptation par les socialistes marocains (sous la pression de Lionel Jospin, alors premier ministre de la France) de former un gouvernement d'apparat sous la direction du roi et sous la surveillance étroite de son bras droit, l'inamovible Driss Al-Basri, les événements tragiques en Algérie, sont entre autres éléments, quelques concours de circonstances qui ont permis au roi de tenir la dragée haute au Polisario.

Il faut cependant reconnaître que, abstraction faite des graves et impardonnables erreurs commises dans la manière de gérer la vie intérieure des campements de réfugiés, le Polisario, malgré un rapport de force nettement favorable à l'Etat marocain, n'a pas totalement démérité sur le plan international. Le principe d'autodétermination a été préservé malgré les multiples et nombreuses tentatives du Maroc et de ses puissants alliés (la France, l'ancien secrétaire général des Nations unies Boutrous Boutrous-Ghali en particulier) de lui faire accepter une forme d'autonomie.

Ce n'est qu'avec l'euphorie suscitée au sein de la direction du Polisario par la désignation de l'ancien secrétaire d'Etat américain, M. James Baker, comme représentant du secrétaire général des Nations unies, que les choses ont commencé à se gâter sérieusement. La formation d'un conseil occulte autour du secrétaire général du Polisario qui, en plus d'exercer la direction réelle du mouvement, en l'absence de ses instances légales, monopolise l'information sur le processus référendaire, a créé une situation de désordre et d'incertitude réel au sein du Polisario. Il faut dire que le fait que les membres du conseil occulte en question soient, pour la majorité d'entre eux, des béni-oui-oui et opportunistes qui ne se soucient que de leurs priviléges et intéréts de leurs clans et tribus, ne fait qu'ajouter au désarroi de cadres qui se sentent marginalisés et sacrifiés sur l'autel d'une politique faite par des médiocres et au profit de médiocres et dont ils ne comprennent ni l'utilité ni le sens.

30.09.05

--> partie II


1. Que s'est-il passé ? Comment on en est-on arrivé là ?, 14.09.05

2. Est-il nécessaire de rappeler ici la guerre des sables contre l'Algérie suivie, quelques années aprés, par celle contre la Mauritanie ?

3. Voir, pour plus de détails sur le sujet, Al-Heikel, Mohamed Hasnin, Salamou al-Aouham (la paix fictive), Darou Acharq, 1996

4. Nous parlons de changement tactique, car méme à l'époque rien ne permet d'affirmer ou même de supposer que le Maroc était disposé à accepter l'organisation d'un référendum qui aboutirait à l'indépendance du Sahara Occidental. En fait le discours sur les chances de la paix tenu par le gouvernement marocain n'était en réalité qu'une partie d'un poker menteur qui éclaire plus sur l'état social et celui des finances du Royaume que sur ses intentions d'accepter une décolonisation du territoire.


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