A Dieu Nounna !
Baba Sayed
Maimouna ment Abdellahi, Nounna pour les familiers, vient de nous quitter dans la nuit du dimanche à lundi de la semaine courante après une longue et éprouvante maladie qui l'a terrassée dans sa maison à l'Aaiun. Du coup, le peuple sahraoui perd l'une des figures les plus attachantes, déterminées et marquantes de sa résistance, au cours des quatre dernières décennies, contre le colonialisme espagnol, d'abord, et contre l'occupant marocain, ensuite.
J'ai connu Nounna au début des années soixante dix quand j'étais élève au secondaire et à ce titre, membre, aux côtés de deux de ses fils, de l'organisation des étudiants sahraouis.
Notre jeune organisation qui était traquée par les services de renseignement de l'État marocain et dont les ressources matérielles étaient inexistantes, ne disposait pas, bien entendu, de local. Dans la mesure où la plupart de nos familles qui vivent, entassées, dans de petits appartements exiguës ou des gourbis, sont dépourvus des moyens de subsistance nécessaires, nous ne pouvions leur imposer, à intervalles régulières, à côté des risques sérieux de les exposer aux représailles du Makhzen, les charges de l'hospitalité de dizaines d'« illuminés » affamés qui croyaient mordicus pouvoir changer le monde en quelques semaines.
Réalisant les difficultés auxquelles notre jeune organisation a été confrontée et bravant les dangers potentiels qui peuvent découler, pour elle et sa famille, d'un tel geste, Nounna décida de mettre à notre disposition sa maison et de partager avec nous les maigres ressources dont disposait sa famille. Pendant de longues et pénibles années, nous avions, mes collègues et moi, trouvé en Nounna non seulement la mère affectueuse qui veillait sur nous, mais aussi la militante courageuse et déterminée auprès de qui nous puisions force et détermination dans nos moments d'abattement et de détresse.
Mère généreuse et d'une grande sensibilité, Nounna était aussi une dame de caractère et de grande conviction que l'on ne pourrait pas facilement faire renoncer à ses idéaux ni détourner de ses objectifs ! Faut-il rappeler qu'elle a subi les affres et les humiliations des lieux de détention secrets où elle a été détenue, pendant de longues années, avec les membres de sa famille. Ces mouroirs gérés par le ministère de l'intérieur dont Omar Al-Admi [1] celui dont elle a sauvé la vie, est, depuis le début des années quatre vingt dix, l'un des principaux responsables.
Face à la violence inouïe du Makhzen et à sa barbarie coutumière, Nounna a toujours fait preuve d'une digne, noble et constante résistance ! En demeurant fidèle à ses engagements et à ses principes, elle est devenue, pour l'ensemble du peuple sahraoui, l'exemple et le symbole de la vitale et salutaire résistance face à l'État marocain oppresseur.
En même temps que de prier Dieu, le Tout Puissant et le Miséricordieux, de recevoir Nounna en son Paradis, je présente, à ses enfants et à tout le peuple sahraoui, mes vivres et sincères condoléances pour cette grande perte.
Inna li-Allahi wa inna-ilaihi-la-rajioun.
Traqué par la police marocaine, au début des années soixante dix, pour appartenance au mouvement indépendantiste sahraoui, Omar Al-Admi, alias Omar Al-Hadrami, n'a pu avoir la vie sauve que grâce à Nounna qui a pris le risque, au prix de sa vie, de le cacher chez elle avant de l'envoyer en lieu sûr à l'extérieur du Maroc