L'Espagne et les tentacules marocaines
Hamdi Salek Allal
La question du Sahara Occidental est à la une, une nouvelle fois depuis l'avénement des socialistes espagnols au pouvoir. Elle l'est surtout dans la presse espagnole qui critique la nouvelle équipe dirigeante pour son engagement hatif dans ce problème ignorant que ce qui n'a pas pu être résolu en trente ans ou même plus ne peut pas l'être en six mois comme l'a promis le nouveau premier ministre espagnol.
Nous Sahraouis qui sommes les victimes des politiques des différents gouvernements espagnols, nous n'avons qu'à féliciter et encourager l'opinion publique espagnole et les media espagnols et leurs demandons d'exercer d'avantage de pressions contre leur gouvernement jusqu'à ce qu'il s'engage d'une façon plus sérieuse dans le conflit du Sahara Occidental comme l'avait fait le Portugal avec son ancienne colonnie Timor Est.
Le gouvernement espagnol n'est pas réellement notre premier ennemi. Cest le Maroc qui occupe notre pays et divise notre peuple. Cependant nous sommes convaincus que la responsabilité de l' Espagne demeure entière dans la décolonisation du Sahara Occidental.
Mais loin du droit international, nous constatons que les socialistes espagnols ont facilité la tâche au régime marocain qui souffrait d'un isolment régional étouffant. Le Maroc a seulement trois voisins directs: l'Espagne avec laquelle il avait de mauvaises relations, le Sahara Occidental où il est en guerre contre le peuple sahraoui et l'Algérie avec laquelle il est en tension permanente depuis la guerre des sables en 1963!
L'Espagne de Zapatero a ouvert une brèche pour le Maroc qui se considère maintenant dans une position de force surtout depuis que les Etats-Unis ont décidé de lui accorder une position de partenaire privilégié de l'Otan. C'est bien bizarre, les Etats-Unis et l'Espagne qui ne s'entendent pas depuis l'arrivée des socialistes au pouvoir s'accordent tous les deux pour sauver le Maroc de son embarras!
Nous comprenons que le Maroc est un voisin de l'Espagne qui doit traiter avec lui et essayer de le conseiller et de le sauver en l'aidant, ne serait -ce que par devoir moral en tant que voisin. L'Espagne doit comprendre les difficultés du Maroc, ses préoccupations et ses plans pour le futur. C'est son devoir mais ça ne doit pas être un complexe qui obsède l'Espagne pour un Maroc ingrat. L'Espagne est plus forte sur tous les plans que le Maroc , sinon plus que tous les pays arabes ensemble. Pour cela nous ne comprenons pas cette position de sousmission qu'elle adopte. Elle apparait comme étant la plus faible!!
C'est vrai que sans relations bilaterales très fortes l'Espagne ne peut pas influer sur le Maroc et on souhaite du fond du coeur que le gouvernemant espagnol voie les choses de cette perspective.
L'Espagne forte du droit international, de l'appui de Union Européene et des résolutions de l'Assemblée Générale des Nations-Unies et du Conseil de Sécurité doit exercer toutes les pressions possibles sur le Maroc afin qu'il adopte une position plus raisonnable envers le dernier plan de James Baker et par conséquence accélerer l'élaboration d'une solution rapide du conflit c'est-à-dire l'organisation du référendum.
Nous savons que le Maroc sait très bien utiliser le chantage dans ses relations avec tout le monde et particulièrement avec l'Espagne. Des moyens de chantage qu'il utilise on peut citer:
1. Le cannabis: le Maroc est le premier producteur et exportateur du cannabis. Ce n'est pas sa faute, c'est à cause de la pauvreté dans le pays! Donc la responsabilité n'incombe pas aux autorités marocaines mais aux autres! Si l'Espagne et l'Union Européenne, premières victimes de ce fléau, veulent que le Maroc combatte cette culture elles doivent financer des projets de développement dans les zones de culture du cannabis. L'Union Européenne très naïve décide d'accorder des aides au développement pour cette fin. Le gouvernement s'en empare et les utilise non pas comme prévu mais pour financer le maintien de son occupation militaire au Sahara Occidental. Plus tard, sur le marché, la production augmente. On tire les sonnettes d'alarme. Le gouvernement marocain, de nouveau, exprime sa volonté de combattre la culture du cannabis mais conditionne cela à des aides financiers sinon c'est la révolte. On tombe dans un cercle vicieux duquel personne ne peut sortir.
2.-
L'émigration un problème majeur aussi pour les
européens. Le Maroc déclare qu'il manque de moyens pour
lutter contre ce fléau! Les européens doivent de
nouveau lui présenter des aides financières pour
améliorer ses gardes côtes. Le nombre de pateras et de
victimes augmente. Arguements marocains: manque de moyens! Pire
encore la presse marocaine ne traite que les cas des originaires de
l'Afrique subsaharienne. Elle ne parle que rarement des
émigrés clandestins marocains dont le nombre
dépasse de loin le nombre de ceux venant de l'Afrique
subsaharienne. L'objectif est double en premier lieu dire au monde
que la situation économique est bonne et en deuxième
lieu utiliser la carte de l'émigration pour supplier Union
Européenne de l'aider. Mohamed IV lui même a fait une
tournée en Afrique pour aborder le problème de
l'émigration clandestine avec les dirigeants des pays qu'il a
visité et montré aux européens qu'il attaque le
fléau à partir de ses sources!
Aujourd'hui on constate déjà que les accords
signés ça fait pas longtemps avec le nouveau
gouvernement espagnol ont échoué á cause de la
mauvaise volonté marocaine ou plutôt de l'utilisation de
l'émigration par ce dernier comme un moyen de pression et de
chantage pour reçevoir plus de concessions du
côté espagnol et ou d'autres parties. La tactique est
simple: jeter l'hameçon et attendre!
3.- La croissance démographique est aussi un problème très sérieux. Un autre alibi pour mendier auprés de l'Union Européenne et organisations internationales. Le pretexte est facile "aidez-nous à combattre la pauverté sinon les gens s'adonneront plus à la culture de cannabis et l'émigration clandestine s'accentuera". En termes plus clairs "aidez sinon nous ouvrirons les vannes de l'émigration clandestine".
4.- La lutte
contre le terrorisme et l'intégrisme est un autre instrument
de choix pour le Maroc. N'a-t-il pas été
derrière les groupes terroristes qui opéraient en
Algérie? Hassan II n'a-t-il pas construit la deuxième
plus grande mosquée dans le monde islamique et donné
des noms islamiques à ses unités qui opéraient
au Sahara Occidental? N'a-t-il pas imposé aux algériens
le visa d'entrée au Maroc après l'attentat terroriste
de Marrakech en 1994 pour insinuer au monde que ce sont les
Algériens qui étaient derrière? Il croyait
compenser ce qu'il gagnait du tourisme provenant de l'Algérie
par un gain politique et financier des pays et milieux hostiles
à l'Algérie. Et il est même parti jusqu'à
qualifier le Polisario de terroriste et prétendre que
l'attentat du 11 mars était préparé dans le
désert marocain, c'est à dire loin des villes
principales du royaume.
Il est vrai que pas mal d'analystes s'attendaient à ce que
quelque chose se passe au Maroc surtout tenant en compte la
montée de la popularité des partis islamistes: Justice
et Développement et Justice et Charité en l'absence de
partis de gauche. L'opération du 11 mars a demontré que
le Maroc est un réservoir de recrutement pour les groupes
terroristes et toutes les circonstences y aident: surpeuplement,
chômage, disparité entre les classes sociales, forte
répression politique
.etc. La répression brutale
exercée par le régime contre ces groupes après
les opérations du 16 mai à Casablanca et du 11 mars
à Madrid n'augure pas de bonnes perspectives.
5.- La
stabilité de la monarchie: c'est un argument qui est
utilisé le plus souvent par le régime en place et ses
défenseurs mais aussi par un certain nombre d'experts dans les
affaires maghrébines. La thèse qu'ils défendent
est la suivante: l'indépendence du Sahara Occidental
équivaut à la fin de la monarchie au Maroc.
Dernièrement l'on commence même à évoquer
que la royauté puise sa légitimité du Sahara. Et
pour les plus naïfs, Hassan II est allé même
jusqu'à dire dans un discours officiel " L'Algérie a
son Sahara, l'Egypte a le sien, la Tunisie a son Sahara, alors
pourquoi veut-on priver le Maroc du sien?"
Une fois de plus on culpabilise la communauté internationale
du sort du royaume et on la responsabilise du maintien du statut quo.
Elle doit légitimer le fait accompli marocain au Sahara
Occidental laissant de côté la raison même de sa
présence sur le territoire à savoir organiser un
référendum d'autodétermination du peuple
Saharaoui.
Le Maroc a pu convaincre certains de sa thèse: "il ne faut
rien faire qui puisse gêner le roi" disent-ils. Durant le
règne de Hassan II on nous disait "le roi est très
vieux, il est malade, il aimerait résoudre le problème
avant sa mort car il ne veut pas le laisser à ses fils",
"donnez-lui le temps". Hassan II est mort. Son fils arrive. Le roi
est mort vive le roi. Un nouveau discours:" le roi est jeune, il faut
lui donner le temps, la perte du Sahara veut dire la
déstabilisation du Maroc, l'insécurité dans la
région, au flanc sud de la
méditerannée"
etc. Les mêmes arguments de la
guerre froide. Le Maroc est plus important pour le monde qu'il ne le
paraît.
Mais en même temps personne ne parle du peuple Saharoui,
seulement du Maroc, de l'élite marocaine, de l'armée
marocaine, des implications pour les interêts des puissances
étrangères dans la région. Le peuple saharaoui
n'existe purement et simplement pas pour eux. Or qui est-ce qui s'est
battu contre le partage du Sahara Occidental entre le Maroc et la
Mauritanie en 1975? Qui est-ce qui a obligé plus de 120'000
soldats marocains à se retrancher derrière un mur de
sable de 2400 km? Tout le monde me répondra le peuple
sahraoui, plus question de parler de mercenaires, pas non plus de
l'armée algérienne mais les propres fils du Sahara
Occidental que se soit ceux qui résidaient dans le territoire
ou dans la diaspora sahraouie dans les pays limitrophes. Le Maroc en
est aussi convaincu. Pourquoi donc continuer à nier
l'existence de ce peuple ou bien le Sahara Occidental et ses
richesses constituent un pari tellement alléchant pour la
monarchie et les puissances étrangères qui la
soutiennent, au point de pousser le régime marocain à
sacrifier tout pour sa sauvegarde et même mettre sa
stabilité en péril?!
La
stabilité au Maroc est de la responsabilité
entière du régime et non de celle du peuple saharaoui
ou de la communaité internationale. Le Maroc arrive
jusqu'à présent à entretenir cette situation
d'une manière très artificielle grâce aux aides
financières des pays arabes du Golf et à l'exportation
du cannabis et diplomatiquement à la protection de la
France.
Aujourd'hui, c'est le début des années des vaches
maigres. Une fois de plus l'on évoquera les menaces
extérieures à la monarchie!!
On doit simplement rappeler aux lecteurs que le Maroc n'est pas le
premier pays à s'entêter dans une politique qui est
néfaste à ses interets à long terme. Vous vous
souvenez certainement des luttes des peuples de l'ex-Union
Soviétique, des ex-pays de l'est, la lutte du peuple de
l'Erythrée, du peuple de l'Afrique du Sud contre l'Apartheid.
En tout temps les régimes en place devaient défendre
quel que soit le prix leur thèse. Maintenent ce sont des
peuples qui ont retrouvé leur liberté et vivent en paix
et harmonie avec leurs voisins.
Les Marocains plus que le régime en place, sont appelés à prendre conscience de cette réalité et à se manifester contre la politique de leur régime au Sahara Occidental. Il nourrit la haine entre les peuples de la région pour se maintenir en place et dit au monde que les causes de ses échecs ne sont pas dues à ses propres politiques mais aux interventions extérieures. La première manifestation de cette haine est ce mur de la honte qu'a construit l'armée marocaine sous prétexte de défendre les villes occupées du Sahara Occidental contre les incursions militaires du Polisario. La raison de l'instabilité au Maroc est donc la guerre qu'entretient le peuple sahraoui contre l'armée marocaine. Deux éléments à retenir: le peuple sahraoui et la guerre. La première cause est l'existence d'un peuple, qui a un territoire et dont le droit à cette terre est reconnu internationalement. La deuxième cause c'est la guerre qui n'est que l'expression de la volonté politique de ce peuple qui refuse de s'unir avec le Maroc sous n'importe quel prétexte ou dans n'importe quel cadre. La troisième cause est la volonté de l'autre partie impliquée dans ce conflit c'est-à-dire la guerre et l'occupation militaire du Sahara Occidental provoquées par le régime en place. Le premier perdant est le Maroc car malgré tous les efforts qu'il a investi durant 30 années, il lui était impossible de convaicre un seul pays de ses thèses. Les pertes financières sont tellement lourdes qu'elles n'ont jamais été révélées officiellement.
La
stabilité du Maroc est de la responsabilité du
régime en place et non de celle du peuple Saharaoui ou de la
communauté internationale.
L'Espagne qui est un voisin immédiat du Maroc, est très
sensible à tous ces sujets, cependant elle doit user de ses
capacitiés pour mettre une limite aux caprices du roi et de
son élite et exercer toutes les pressions possibles pour les
convaincre de chercher une solution à ce conflit. Cependant on
constate que tout le monde est en train de pousser le Maroc vers plus
d'intransigeance et de tergiversation en prétendant chercher
une solution où il n'y a pas de vainqueur ou de vaincu.
Impossible de trouver un seul cas dans toute l'histoire de
l'humanité ou au moins dans toutes les situations qui ont
engendré des guerres.
Nous felicitons l'Espagne pour son rapprochement avec le Maroc et esperons que cela encouragera les deux pays vers plus d'entente et de coopération. Mais nous aimerions aussi que cet élan dans les relations entre les deux pays, doit les encourager ensemble vers la recherche d'une solution au problème du Sahara Occidental qui satiseferait les aspirations du peuple sahraoui à savoir son indépendance nationale et corrigerait les fautes qu'ils avaient tous les deux commises et continuent à faire contre lui et leurs propres peuples.
Le 18
Août 2004
Hamdi Salek Allal
Wilaya Aouserd