Chez les sahraouis, la parole circule et rien ne peut être caché, tout fini par se savoir. Tout le monde connaît tout le monde, connaît ce que chacun a fait avant la révolution et ce que chacun fait maintenant. Avant de critiquer le secrétaire général du Front Polisario et de mettre toutes les erreurs à son compte, il est important de bien réfléchir chacun à nos responsabilités. La faiblesse ou l'absence de la politique sociale du Front Polisario est liée à une situation générale. Les hommes au pouvoir, ceux qui ont été au pouvoir ou ceux qui en ont été écarté ont tous essayé de mettre leur intérêt personnel avant la cause nationale. Le secrétaire général du Front Polisario, que je ne défends pas par ailleurs, n'est pas le seul responsable de la situation. Les hommes qui sont, ou qui ont été autour de lui, n'ont jamais critiqué publiquement cette politique devant le peuple. Ils n'ont jamais organisé de réunion populaire pour dénoncer les fautes ou les erreurs de ce pouvoir.
Aussi aujourd'hui, le plus important, à mes yeux, est de faire une critique globale de trente ans de lutte et d'exercice du pouvoir pour tirer les conclusions qui s'imposent et présenter des propositions qui vont dans le sens de la réforme et de la démocratie. La critique est un élément essentiel de la démocratie. Le secrétaire général du Front Polisario et les autres membres du pouvoir ne sont pas des rois, ni des princes, ils n'ont pas hérité du pouvoir, ils ne sont pas censés y rester pour l'éternité. S'il y a une ligne à dessiner aujourd'hui elle peut prendre son axe à partir de trois points : la séparation entre l'état et le front Polisario ; un vote au suffrage universel pour les présidentiels et le gouvernement ; une limite de mandature pour éviter de rester au pouvoir trop longtemps et donner la possibilité aux citoyens de participer aux décisions politiques.
Pour faire vivre une démocratie il faut créer des formations politiques. Mais existe-t-il une opposition politique ou des oppositions politiques au sein du Front Polisario ? Et qui en sont les dirigeants ? Est-ce que ce sont les anciens cadres du Front Polisario écartés du pouvoir ou les enfants et les jeunes de la révolution qui n'arrivent pas à trouver leur place au sein du Front Polisario ? Existe-t-il une guerre de génération ou une guerre des idées et de points de vu divergents qui n'ont pas trouver la place de s'exprimer ? N'est-ce pas tout simplement la révolte des enfants de la jeunesse du 20 mai 1973 face à la nouvelle ligne de la direction du front Polisario ou un y a-t-il un nouveau cri pour une vraie ouverture démocratique ? Ces questions méritent une longue réflexion, la réponse ou les réponses se trouveront bientôt ou dans les années à venir.
Posons maintenant la question autrement : S'il existe une opposition, ou des oppositions, pourquoi n'arrive t-elle pas à sortir de l'ombre des campements ?
Y a-t-il un courant ou des courant au sein du Front Polisario ?
Le Front Polisario comme mouvement politique n'a jamais essayé d'ouvrir l'espace à d'autres courants aux idées différentes. Pourtant l'ouverture d'espace à d'autres courants au sein d'une formation politique est quelque chose de positif et de fondamental. Mais la direction du Front Polisario n'a pas eu l'intelligence de faire ça. Le Front Polisario a choisi la position inverse : faire peur au peuple sahraoui sur les conséquences d'une ouverture démocratique. Le pouvoir politique du Front Polisario est resté ferme sur sa position, amenant et faisant basculer le débat des idées sur une guerre de personnes. Ce qui s'est passé en octobre 1988 était déjà la preuve de cette fermeture. Jusqu'à aujourd'hui le Front Polisario est incapable de faire cette ouverture. Est-ce que cette fermeture au sein de la direction du front Polisario est la preuve d'un manque de confiance ? Est ce que le pouvoir n'a pas confiance en les hommes et les femmes sahraouis pour continuer le chemin de la lutte pour l'indépendance ? Souhaitent-ils rester figer comme les gardiens du temple ? C'est là le danger.
Le problème se trouve dans une des questions précédemment posées ou une autre qui ne l'est pas encore. Aujourd'hui cette fermeture aveugle devant les autres courants politiques et réformistes, s'ils existent, n'a pas de justification sauf dans le manque de confiance en soi.
Le manque de confiance en soi vient peut-être du fait d'avoir peur de perdre son poste de pouvoir, ou peut-être est-ce une adolescence politique ?
La création d'un espace pour l'existence d'autres courants politiques au sein du Front Polisario, sur une base démocratique, peut donner un nouveau souffle aux citoyens sahraouis après trente ans d'attente.
Toutes les portes sont ouvertes aujourd'hui dans notre société pour la démocratie. Le pouvoir politique a perdu la confiance de son peuple, et ce, depuis longtemps. Les institutions dans notre société se sont fragilisées depuis quelques années. La république a besoin de séparation totale avec le Front polisario. La condition sociale est très dégradée. Le citoyen sahraoui attend le nouveau visage, le nouveau programme, les nouvelles énergies et surtout des hommes et des femmes honnêtes pour se sortir d'un régime politique tribal basé sur les intérêts personnels se substituant à l'intérêt général. Le citoyen sahraoui attend un projet démocratique mais pas une démocratie masquée. Il attend une démocratie qui lui permette de participer à la décision politique et sociale.
Etonnamment plusieurs projets démocratiques sont prêts à être présenté aux citoyens sahraouis, qu'attendent-ils pour le faire ? Est-ce que ces oppositions politiques ont peur d'enterrer les initiatives avant leur complète naissance ? Ont-elles peur que leur enthousiasme les conduit à l'échec ? Leurs moyens sont-ils limités ? Les bases populaires ne sont-elles pas assez fortes ? N'ont-ils pas réussi à se mettre d'accord entre eux pour les stratégies à adopter ?
S. Khatri
Décembre 2005.