par Diego
La revue marocaine Telquel nº 100 du 8 au 14/11/2003 (*)a livré une vision presque réaliste de la situation au Sahara Occidental. Avec ce qui semble tout d'abord de la lucidité et de la franchise, le journaliste A.R. Benchemsi lève un à un les lièvres. Il est bien question - écrit en toutes lettres - de considérer l'option ultime, celle que le Maroc répugne à considérer, rejette avec l'énergie du désespoir, l'inévitable, l'incontournable opinion saharaouie en faveur de l'indépenance du territoire annexé. Monsieur Benchemsi va jusquà nous faire croire qu'il y aurait même des Marocains (du Maroc !) qui y seraient favorables. La phrase clé est lâchée: «si le Maroc s'était plus concentré sur l'économique que sur le sécuritaire, le référendum ne poserait pas le problème d'aujourd'hui». Et c'est là qu'il faut comprendre; «si le Maroc s'était plus concentré, etc... nous serions sûrs de gagner le référendum». Plus loin: « le Sahara est trop vital à la survie du régime pour que nous prenions le risque de le perdre un jour». Ce qui permet de découvrir la juste mesure de ce que représente réellement le «problème» saharaoui pour le Makhzen. Pourquoi si vital ? Parce que le territoire abrite une colonie de généraux désoeuvrés qui passent le plus clair de leur temps à trafiquer sur les carrières de sable et sur le poisson et qui n'ont d'autres soucis que de s'enrichir sur le dos des saharaouis (et des « petits» commerçants marocains, qui, pour certains, se demandent désormais ce qu'ils sont venus faire dans cette galère). Parce que ces généraux, qu'il faudra bien remiser dans leur caserne, quelque part à Meknès ou Tanger représenteraient pour le Makhzen le danger mortel du putsch (voir Skhrirat et Boeing...). Parce qu'il faudrait dire à tous ces Marocains indûment transférés dans les «nouveaux territoires», «voilà, vous êtes floués, vous n'avez qu'à rentrer chez vous».
La misère économique que dépeint ce nº 100 est bien réelle, hélas. Elle l'est pour les milliers de Saharaouis qui vivent dans les ghettos d'El Aiun, pour tous ceux qui, pour des raisons que l'on sait, ont été écartés du progrès qu'était censé lui apporter le «libérateur». Quel progrès au fait ? Combien de casernes de flics pour un kilomètre de goudron ? Combien de millions de DH de corruption pour une école ? Ou va la pseudo-manne du phosphate et du poisson sinon dans les caisses du Makhzen, c'est à dire du roi et de ses sbires?
Mais qu'on se
rassure!
Voilà qu'émise de Washington, l'opinion de M. Ali O.
Amar, citoyen américain d'origine marocaine, donne au
problème saharaoui une dimension plus
«marocain-politiquement-correct», dans le nº 101 de la
revue Telquel du 15 au 21 novembre 2003. M. Benchemsi, qui
redoute peut-être de suivre Ali Mrabet en prison, se serait-il
fait tirer l'oreille ? Avec M. Ali O. Amar, on en revient vite aux
vieux thèmes éculés, entre autres:
- «le Sahara est une extension géographique et historique du Royaume». Comme l'Algérie était une extension naturelle de la France (par-dessus la Méditerranée !) quand la France allait de Dunkerque à Tamarasset ! Qu'attend le Maroc pour réclamer le retour au sein de la mère-patrie de l'Andalousie, qui a plus été «marocaine» que ne l'a jamais été le Sahara Occidental ? Personne ne croit plus aux «mercenaires» d'Alger. Personne ne croit plus à l'impérialisme algérien, personne n'a jamais cru à la nature «terroriste» de la lutte des nationalistes saharaouis. Personne n'entend plus ce discours, sauf Chirac peut-être, mais on sait qu'il est dur d'oreille ! Et tout comme la France allait chercher dans l'Egypte de Nasser les responsables nationalistes du FLN, le Maroc ne peut que réveiller sporadiquement le specter du «sanctuaire» du Polisario, trouvant un échappatoire dans son hostilité à l'égard de l'Algérie.
- «l'axe Algérie-Polisario est fondé sur des desseins insidieux». Qui est l'hypocrite ? Qui a accepté les Accords de Houston et le référendum et feint de les ignorer aujourd'hui ? Qui rejette le PLan Baker ? Qui nie détenir des prisonniers de guerre sahraouis ? Qui hurle au scandale des tortures et tente, dans un pitoyable effort de réconciliation (c'est à dire d'anesthésie) de tenter de faire l'impasse sur les culs de basse fosse d'Agdz, de Tazmamart, de Kelaa et, aujourd'hui comme hier, sous M6 comme sous H2, les géôles de Témara ?
Depuis
près de trente ans, le Maroc commet au Sahara Occidental
toutes les erreurs que les colonialistes de tous temps et de tous
lieux ont commises. Le Maroc terrorise et affame la population,
corrompt et pervertit, exploite sans vergogne les richesses du sol et
de la mer au seul profit des Marocains grant teint et des officiers
maffieux, emprisonne et tue les «mauvais» saharaouis,
flatte et engraisse les «bons», tablant sur une
hypothétique élite à ses ordres, et, comble du
colonisateur, forme en son sein, dans ses Universités, avec un
aveuglement obstiné, les futurs cadres de la République
Saharaouie.
L'an prochain à El Aiun.
DIEGO16.12.03
(*) à lire sur Sahara-Info , le site de Telquel , actuellement en restructuration n'offre plus les anciens numéros.