OPINION

 

A María  de Villa Cisneros :

Memoire  reset

Daya Rguiby

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La semaine dernière  a été  publiée dans cette  rubrique "opinions" une  lettre  de  "María" J.A.", apparement native  ou qui a  grandi  à  Villas Cisneros au  Sahara. Ella  a émis un faible cri  de détresse, timide , inaudible  mais courageux , suite à une information dont elle  n'est pas  sûre : la destruction du  fort "casa-govierno" de Dajla.

Pour elle  peut-être, comme  pour  moi, c'est un grand  repère de notre  vie dans  un désert où  les constructions en  général,  et les  édifices  comme  celui-là se  comptent sur les doigts des mains.

Il faut  dire qu'au Sahara , tous, tous  les occupants , faute  d'attraper ce peuple insaisissable , nomadisant d'un coin à l'autre sur plus de 300.000 km2, s'acharnent sur le peu qu'il a: quelques amas de pierres.

L'idée du général , chef des troupes  françaises conquérant le désert  algérien, ne trouvant personne dans les villages qu'il traverse  et ne voyant toujours pas cet ennemi invisible, qui plaça ses batteries et tira sur les palmeries, les résistants ne supportant pas de voir  des dattiers millénaires succomber sous  on feu, préfèrent se  sacrifier et  se  rendirent.

Ainsi, au Sahara où il n'y a presque  rien, le général Mouret, en 1913, incendia la ville vide  et abandonnée de  Smara . Les Espagnols, eux,  ont  déterré tous nos  aïeux le long de Saguia el Hamra pour trouver je ne sais  quoi. Villa Cisneros, abandonnée par l'Espagne fugitive en 1975 , a été saccagée durant les 4 ans de l'occupation mauritanienne. Aujourd'hui avec l'occupation marocaine c'est le top. Les quelques édifices - monuments survivants attendent, comme nous  tous, en vieillissant ,un référendum utopique.

- A Villa  Cisneros,  en 1884, après  la mise en place provisoire de la « factoria commercial » par le capitaine Emilio Bonelli, en 1886 avec l'accord  du capitaine J. Cervera, Dr F. Quiroga et le consul F. Rizzo, on a construit  la " casa -govierno" l'ancienne. La nouvelle sera construite plus tard par colonel Bens. Comme  tous  les autres  édifices laissés par l'Espagne, passés  sous tutelle de l'armée, on ne peut plus  les  approcher , ni photographier, ni même poser des questions sur eux , au risque  de  se  faire  arrêter. Cette forteresse est  actuellement occupée par l'importante compagnie marocaine  anti-émeutes. Elle  reste saillante  au milieu de  toutes  ces  constructions anarchiques de  béton.

Le  monument  - apparemment  en bon état - détruit par les bulldozers et dont vous  avez  entendu  parler, se trouvait sur la petite  colline  qui  domine  le port . Je ne peux pas  affirmer ce  que  c'était , malgré que  j'y  suis  entré  étant  encore  enfant. J'ai  un vague  souvenir d'une  grande  salle à  droite  de 20 à 25m sur 6 à 8m de large et un  toit de 4 à 5m et juste  en face de  l'entrée une grande fenêtre  de cafeteria. On le  voit  déjà  sur  les photos de 1948, ça  ne peut donc être  que "l'auberge des pêcheurs" ou  "le casino des officiers", tous  deux  construits  avant cette date, "l'auberge Iberia des touristes" c'est en 1949.

- A  Laaiun, on vient  aussi  de  détruire par bulldozer  l'édifice de "policia de trafico" pour construire un nouveau commissariat à la  marocaine avec des caves, des salles de  traitement humain, des cachots  convenables ... etc . La  "casa - govierno" a été  marocanisée de l'intérieur, le célèbre  "souk lamkhakh" est devenu  un vulgaire parking. Toute l'ancienne medina de Laaiun est en train  d'agoniser...etc.

- Laguera, ruines sous le sable, est une  zone interdite :no man land (terre brulée).

- A Smara  construite  en 1900 : L'ancienne casbah terrassée, à sa place les bureaux de l'eau potable. La mosquée de Smara abrite  la  famille  d'un marchand ambulant marocain, sa charette et son âne. Dans le palais  du cheikh , en ruine, est  logé un descendant  "collant" qui ne veut pas partir, se promenant à son gré dans l'enceinte avec son chien et  ses deux  fillettes pour  trouver un endroit non-croulant. Les annexes de l'ancien palais sont le lieu favori de soulagement (urinoir ) pour les  occupants de 6 casernes tout  autour.

- A Tarfaya : la casa-mar construite entre 1877-80 par l'anglais  Donald Mackenzie refuse de cs'écrouler sous les coups des vagues de l'Atlantique et les visiteurs malintentionés . En face, la casbah ou " fuerte de tierre" construite en 1882, se désintégra lentement sous le vent de sable et l'air marin  avec l'aide providentielle des soldats marocains qui l'occupent. Le fort de "la mia" est un lieu  de rassemblement des candidats à l'émigration.

- A Tantan le bateau espagnol construit en 1946 dans l'oued Benkhlil  sous la  casabah, avec sa belle  piscine , sa grande terrasse refuse  de  couler . Le célèbre puits  des "grupas nomadas " à l'origine de la création du poste de Tantan par le colonel De Oro après la guerre de 1938 , ce puits est maintanant propriété  d'un colon marocain qui a  fait  tout  autour  sa  ferme après  avoir  deblayé toutes  ses  annexes, bassins, château, et  surtout le grand  arc de 3 m qui lui a  valu  son nom : Boukharb .

- Les  vestiges  du 1er port naturel au Sahara  en 1524 , font aujourd'hui le  bonheur d'un gros bonnet de Rabat  par la culture des coquilles  Saint-Jacques .

- Guelta, Tichla, Birinzarane .... etc  sont tout simplement devenus une propriété privée des officiers des garnisons qui les occupent. Difficile à prouver mais il paraît même que  certains  découpent  des dessins rupestres pour décorer leurs villas au Maroc.

Que  peut-on dire  d'Aousserd , Daoura ,Djhéra et sa  caserne typiquement saharienne, abandonnée qui donne  un bon exemple de l'indifférence de l'occupant pour une  histoire qui le dérange .

L'histoire, bonne  ou mauvaise, reste une histoire, un passé, une mémoire  pour celui  qui la  fait  comme  celui  qui la  subit, il  faut  donc en prendre  soin , sans  rancune .

Ici dans les territoires  occupés, nous ne pouvons  pas  grand  chose pour préserver notre patrimoine  historique  commun à nous  tous. Par contre  ceux à l'étranger et particulièrement les Canarios (pieds-noirs), vous vous pouvez le  faire par le biais d'associations ONG.

Dans les  territoires  occupés et seulement à Laaiun , il y a plus  de 257 associations, mais  toutes  oeuvrent dans le  sens  contraire. La seule  qui  a osé faire un pas dans l'autre sens, a été  fermée, le responsable mis  a la porte par  le patron de l'usine où il travaillait - un autre  sahraoui .  Vous  comprenez, ici  personne  n'ose  rien faire  qui ne va  pas avec les  thèses  de  l'occupant. Alors  ,prendre  soin du patrimoine du prédécesseur occupant d'un peuple déjà bouillant n'est  certainement pas sa première préoccupation plutôt le  contraire,  oui.

C'est  donc  à ce précédant occupant, l'Espagne  fugitive, de faire  au moins un dernier  geste  pour  sauver son  honneur  et  son patrimoine à elle aussi, ne  serait-ce  que  pour ses  enfants  natifs  du  célèbre  "Nuestro  Sahara" qu'on  a trop  souvent  entendu chez les  governadores espagnols.

Daya Rguiby, Sahara  T.O le 12.07.2004


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