OPINION

 

Penser la cause sahraouie avec des intellectuels marocains

Ali Omar Yara, sociologue, GIS, Paris

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Il s'agit dans ce texte, d'une interpellation positive des intellectuels marocains au sujet du peuple sahraoui et son droit à l'autodétermination.

Nous devons insister pour dire que le processus historique du peuple sahraoui amorcé depuis un siècle avec l'interférence coloniale française dans les affaires des confédérations sahraouies, s'est réactivé depuis la fondation de notre mouvement national, le Front Polisario, il y a maintenant plus de trente années. Cette histoire nous a permis de franchir le pas, et cela malgré l'abandon du gouvernement espagnol en 1975. Les événements survenus au cœur de nos territoires occupés, nous donnent encore une fois, le droit de défendre nos idéaux sahraouis. En effet, la parution des listes des victimes de la répression marocaine depuis le déclenchement de l'Intifada, n'est pas une reproduction mécanique de la lutte palestinienne mais, notre « iliwiche de la résistance », depuis des siècles.

L'intellectuel doit faire face aux événements. Dès que le chercheur quitte le champ du rapport de causalité relatif aux phénomènes de structure sociale, il tombe dans le domaine très vaste de la phénoménologie, et du coup n'échappe pas aux mutations et aux représentations du système politique et culturel qu'il observe et sur lesquelles il médite par la parole ou par l'action. C'est la tâche même de l'intellectuel, organique. Ce fut l'action historique de nos penseurs berbéro-arabes des siècles de lumière, et ce fut aussi au cours de ces siècles, la manière de penser de l'Europe qui a su devancer, par la suite, nos propres pensées libres.

Les intellectuels marocains, interpellés ici, ont une intense activité de solidarité à l'échelle mondiale. Citons par exemple la réunion de Marrakech, du 12 au 15 décembre 2002, regroupant les Transeuropéennes (Paris), l'Association Chouala pour l'Education et la Culture (Casablanca), et l'université Cadi Ayyad (Marrakech). Réunion qui avait pour objet une pensée critique sur « les cultures en Méditerranée ». Plusieurs autres intellectuels étaient présents surtout pour défendre la cause palestinienne, se levant contre « la liquidation physique et le massacre de milliers de palestiniens, irakiens et Afghans désarmés, ainsi que la destruction des maisons, des cultures et des biens, créant ainsi des milliers de réfugiés ». Évoquons enfin, un troisième groupe d'intellectuels marocains (et espagnols) qui, après les attentats du 11 mars 2004 à Madrid, ont lancé à l'adresse de leurs gouvernements respectifs, un appel en vue « de mettre un terme à la spirale de confrontation ».

Il est évident que ces manifestations, parmi des centaines d'autres, en faveur des idéaux communs maghrébins ne constituent qu'un segment d'un tout universel, mais la force motrice des intellectuels marocains apparaît depuis peu dans leurs activités concernant les problèmes de notre région. Tel, le dialogue Judéo-marocain (DJM), ou encore les amazighophones du Maroc, victimes, d'attaques raciales et du reniement absolu de nos droits culturels.

Si nous partageons avec ces intellectuels marocains l'effort et l'aspiration à la liberté et le bien-être, ils doivent aussi méditer, voire s'engager pour la cause sahraouie, cause digne de considérations sérieuses. C'est dans cette direction que nous interpellons les intellectuels marocains, écrivains, poètes, artistes, hommes de lettres, et penseurs de tous bords, (quelle que soit la langue de leur expression, berbère, arabe multiconfessionnelle, ou langues latines).

La génération des Marocains qui a vécu la « marche verte » a été constamment dupée, non pas en raison du manque d'informations crédibles qui leur arrivaient au compte-goutte, ce qui est compréhensif, mais, du fait que les détenteurs des établissements universitaires faussaient la vérité des faits concernant la société sahraouie. Ils ont soutenu cette projection dite pacifiste, en occultant les massacres délibérés des Sahraouis par des troupes marocaines et les rafles répétées du ministère de l'intérieur, qui s'abattent encore sur nos concitoyens. Il est à rappeler, dans ce sens, qu'une masse considérable de publications à caractère scientifique, (Revues, Colloques, etc.) et de désinformations systématiques de la MAP, a conduit le peuple marocain dans une voie déviante, par rapport à la cause sahraouie dans son propre répertoire historique, et par rapport à son droit de se constituer en un état souverain.

Citons les travaux de Abdellah Laroui, incarnation idéale de cette exaltation dominatrice de la pensée «académique» du Maroc. Dans ses écritures dites sérieuses, (Cf. L'Histoire du Maghreb, FM/Coll. Maspero, Paris, 1976, 208 p), les Sahraouis restent complètement inconnus. Il n'a pas été question, et pour cause, ni de les insérer dans son «essai de synthèse», ni même de cautionner une éventuelle «marocanité historique du Sahara occidental». Dans son ouvrage sur le nationalisme marocain non plus. Par contre dans ses esquisses historiques, (Cf. Centre Culturel Arabe, Casablanca, 1992, pp. 149-154).) Il écrit à propos de l'appel monarchiste du 16 octobre 1975 : « Ayant recours à une recette éprouvée par tous les colonialistes du monde, les Algériens s'attachent certaines tribus Reguieibat qui nomadisaient entre Gueltat Zemmour et Tindouf : ils regroupèrent à Alger des étudiants originaires des régions avoisinantes et les encouragèrent à s'organiser en mouvement… ». Là, cet historien psychologue, sait de quel lieu il parle (l'allégeance à son roi), mais il ne sait pas de quoi il s'agit. Il ne savait peut-être pas, aussi, que grâce au peuple et à la nation algérienne, ainsi que d'autres nations, des milliers de citoyens Sahraouis avaient échappé à la décimation par les bombes de tout genre d'Hassan II, larguées sur nos exilés, dénués de tout. La présence d'esprit des Algériens a épargné à ce petit peuple de moins d'un million de citoyens, à majorité semi-nomade, de subir un sort semblable au génocide provoqué par des héritiers de la « Sublime Porte », mené contre les Arméniens, suivant d'autres massacres menés par les despotes orientaux. Mais, ce n'est pas ici, le lieu de répondre à tous les arguments de cet « historien du Maghreb », et ses disciples, c'est déjà fait ailleurs (1), mais, voulons rappeler que ces énoncés sont révélateurs de toute une génération d'universitaires.

Les intellectuels ne peuvent rester à l'écart des événements, sauf, bien entendu, des amateurs de gloire, comme c'est le cas d'un Tahar Ben Jelloun, dans « Cette aveuglante absence de lumière » ou encore par les Clézio (Gens des nuages), escamotant, notamment le fait que c'est la première fois dans l'histoire du Maghreb où des Sahraouis et des Marocains se trouvent ensemble, enfermés, murés et dénués de toutes libertés de mouvements et d'actions. Et pourtant ils ne luttent pas pour la même finalité. Il a fallu que ces victimes soient libérées pour témoigner dans d'innombrables ouvrages, et récits et pour que les intellectuels cherchent à comprendre ces phénomènes et réagissent en conséquence pour que justice soit faite.

Il est évident que les coups d'état (1971-1972) et les années de l'emprisonnement en masse, avant et après ces dates, ne peuvent pas refléter à eux seuls les fissures du « Maghzen royal ». Ni quand il bombardait nos réfugiés sur leurs propres territoires, (au moment où nous avons perdu l'illusion de la compréhension du Maroc), ni dans sa quête absolue d'imposer l'allégeance par tous les moyens. La fissure est apparue, aussi à partir du refus d'Hassan II d'accueillir, au milieu des années 1990, les 185 prisonniers soldats marocains capturés dans de dures batailles et libérés par les autorités sahraouies. Ce fut le paroxysme du cynisme.

Ses proches alliés, (le gouvernement espagnol allié passif depuis les accords de Madrid, 1976, et le Gouvernement français, allié actif depuis 1958), pensaient aider le Maroc à sortir de cette imposture du Maghzen mais, ils n'ont fait que l'enfoncer dans l'abîme de l'expressionnisme et de la précarité de la pensée. Du coup, les années 1970-1980 ont été deux décennies de guerre meurtrière, soit 25 à 30 mille morts entre 1976-1991, des disparus, des déplacés, éloignés et des déracinés. Nous avons décelé à temps l'incapacité du Maroc à construire, tout seul les murs, mais à faire appel aux puissances capitalistes étrangères, préparant, elle-aussi minutieusement « la tempête du désert » au Moyen-Orient, survenue juste après. En effet, la guerre au Sahara occidental faisait l'objet d'observations opérationnelles (la guerre de mouvement face à la guerre de position). L'implantation de ces murs marocains ne relevait que du souhait des américano-israéliens de mener des expérimentations pour ne pas répéter les erreurs fatales de la guerre de Vietnam. Le mur de la honte que le gouvernement israélien a construit autour de la Cisjordanie et de Jérusalem et qui a modifié le paysage géographique et politique au Proche-Orient n'est que la réplique tardive des 6 murs marocains, construits pour scinder notre territoire en deux. Si le mur sharonien « de séparation » a pour finalité d'enfermer les Palestiniens, celui des Marocains a pour tâche de faire camper les FAR dans des positions fixes en attendant, comme dans le désert des tartares, l'irruption des combattants sahraouis, ou toute autre action politique (comme les militants marcheurs Espagnols et italiens vers les murs).

Ces évènements n'ont pas encore suscité une l'analyse pertinente chez les intellectuels et universitaires marocains et pourtant, ils sont engagés ailleurs, rappelons-le, et pour de bonnes causes. Mais, le changement actuel, qui souffle sur le Maroc s'origine, à partir de la conjoncture post-années de plomb. Période marquée par l'émergence d'une presse assez libre au Maroc, (comme celle des années 1960 à 1965), pour que les Marocains soient tenus informés, par leurs propres moyens médiatiques de ce qui se passe chez eux et enquêter sur les excès de leurs autorités mais aussi sur nos territoires occupés sahraouis. En témoignent la disparition graduelle des termes (tels que les mercenaires, les séquestrés etc.) pour d'autres plus réalistes tels que indépendantistes sahraouis. L'affirmation aussi d'une nouvelle réalité : l'utilité de nourrir des Sahraouis proches du pouvoir, (comme ceux d'ailleurs que les Espagnols ont gavé dans les années post-écouvillon) ; l'utilité de nourrir une armée marocaine de 120 mille hommes, l'étendue du trafic des barons militaires marocains (les Colonels des murs). Le statut même des murs, qui séparent le même peuple en deux, commence à étonner l'opinion publique et la société civile marocaine.

Ainsi, des journalistes et enquêteurs marocains ont commencé à analyser la guerre témoignant d'une véritable écoute des événements (Cf. Karim Boukhari et Amale Samie, la vérité sur la guerre du Sahara, Tel Quel, n° 123, 2004). « Le mur de sécurité construit par les israéliens, écrit un auteur comme Kébir Jbil, le 26 avril 2004, déchaîne les passions et suscite des polémiques exceptionnellement intenses. La mauvaise foi de nos intellectuels, de nos journalistes, écrivains, historiens et spécialistes de tous genre profite à une propagande anti-israélienne, sous-tendant un antisémitisme viscéralement propagé par l'intégrisme musulman ».

Nous rebondissons, pour finir sur les appels, lancés par les différentes instances sahraouies. Le Président de la République, Mohamed Abdelaziz, a appelé, le 2 juin 2005, le peuple marocain à « relever le défi de la paix » afin « d'être en conformité avec les résolutions internationales et les valeurs humanitaires qui constituent le socle des droits de l'Homme et celui de l'autodétermination des peuples », et s'associer à leurs frères Sahraouis pour « regarder ensemble l'avenir avec optimisme et espoir (…) En dépit du refus du Gouvernement marocain de reconnaître l'existence de 155 soldats sahraouis et de maintenir dans le secret total 500 disparus civils dont le sort demeure inconnu ». Cet appel lancé à l'élite marocaine, n'est pas un « délire », comme le suggère un Journal, reprochant à notre président « de ne s'adresser à aucun moment au souverain » dans cet appel. Une mémoire courte ne se pardonne pas. Les Sahraouis n'ont manqué aucune occasion pour interpeller les intellectuels Marocains. Il s'agit d'une politique constante de notre président, de notre Parlement et de nos comités locaux qui ont réitéré systématiquement l'appel aux instances dirigeantes et au peuple marocains. Le Président sahraoui lors de sa visite à Paris, le 11 mai 1998, a appelé « le roi du Maroc à tenir ses engagements en faveur du référendum d'autodétermination au Sahara Occidental », lors de la mort d'Hassan II, 23 juillet 1999, quand son fils Mohamed VI accède au trône.

Rappelons par ailleurs, qu'un véritable dialogue a été instauré, et a toujours été animé entre les Sahraouis de l'indépendance et les militants marocains, à partir d'une conscience et d'une reconnaissance mutuelle des problèmes des uns et des autres. Nous nous réjouissons que le cessez-le-feu ait été respecté, (même si les FAR l'ont violé à maintes reprises), le déminage maroco-sahraoui continue à se faire ; les mesures de confiance instaurées entre le Front Polisario et le Maroc ont été le signe d'une bonne volonté. Ainsi, la guerre n'a pas entraîné les deux peuples, comme c'est le cas dans d'autres pays en Afrique et en Asie, dans une spirale de violence interminable. Mais le combat, comme le confirment les expériences historiques n'est pas la fin des hostilités, car la guerre juste menée autrefois par les Sahraouis contre les héritiers des conquistadores, face aux imprudences des Mauritaniens et maintenant contre l'hégémonie marocaine, change de nature mais jamais de but.

Les pourparlers ou négociations politiques officiels entre les Sahraouis et Marocains qui s'amplifiaient aussi par le souhait et l'engagement d'Hassan II sont freinés actuellement même si le Makhzen marocain veut nous imposer une « autonomie », qui ne répond pas à nos attentes et contraire à nos représentations collectives sahraouies. Notre fidélité est confiante dans le dialogue avec le peuple marocain, ne signifie, pas pour nous sahraouis, une allégeance, mais une poursuite de ce dialogue dans lequel les intellectuels marocains doivent prendre part.

Paris, le 15 juin 2005.

(1) Cf. Ali Omar Yara, L'insurrection sahraouie de la guerre à l'Etat, éd. L'Harmattan, Paris, 2003 ». Rappelons aux lecteurs, qu'une omission grave a été commise au sujet e nos analyses, réduisant notre réflexion en faveur d'un état sahraoui indépendant. Certains compte-rendus, imprudents ou malintentionnés, à Paris, présentent cet ouvrage, comme « une plaidoirie pour un « état islamique sahraoui », ce qui est dénué de toute vérité concernant notre attachement au matérialisme historique, qui n'engage que notre démarche de sociologie historique.


OPINION

Reflexionar sobre la causa saharaui con los intelectuales marroquíes

Ali Omar Yara, sociólogo, GIS, París

(Traducido del francés por L. Haidar)

 

El presente escrito es una interpelación positiva de los intelectuales marroquíes sobre el asunto del pueblo saharaui y su derecho a la autodeterminación.

Debemos insistir para decir que el proceso histórico del pueblo saharaui, iniciado hace un siglo con la interferencia colonial francesa en los asuntos de las confederaciones saharauis, se ha reactivado con la fundación de nuestro movimiento nacional, el Frente Polisario, hace ahora más de treinta años. Esta historia nos ha permitido tomar una decisión, a pesar del abandono del Gobierno español en 1975. Y los sucesos acaecidos en el corazón de nuestros Territorios Ocupados, nos dan, una vez más, el derecho a defender nuestros ideales saharauis. Efectivamente, la aparición de las listas de las víctimas de la represión marroquí desde que comenzó la Intifada, no es una reproducción mecánica de la lucha palestina pero sí nuestro "iliwich de la resistencia" desde hace siglos.

Los intelectuales deben hacerle frente a los acontecimientos. El investigador desde que deja el ámbito de los informes de causalidad relativos a los fenómenos de estructura social, se sumerge en el vasto dominio de la fenomenología y, por esto, no escapa de las mutaciones y representaciones del sistema político y cultural que él observa y sobre las cuales medita mediante la palabra o la acción. Y esto es tarea también del intelectual orgánico. Fue la acción histórica de nuestros pensadores beréberes árabes de los siglos de la ilustración y fue también, en estos mismos siglos, la manera de pensar de Europa que ha sabido, después, adelantarse a nuestro propio libre pensamiento.

Los intelectuales marroquíes interpelados aquí tienen una intensa actividad solidaria a escala mundial. Citemos como ejemplo la reunión de Marrakech, del 12 al 15 de diciembre de 2002, que reagrupó a las Transeuropeas (París), la Asociación Chouala para la Educación y la Cultura (Casablanca), y la Universidad Cadi Ayyad (Marrakech). Esta reunión tenía como objetivo un pensamiento crítico hacia "las culturas en el Mediterráneo". Muchos otros intelectuales estaban presentes sobre todo para defender la causa palestina, alzándose contra "la liquidación física y el exterminio de miles de palestinos, iraquíes y afganos desarmados, así como la destrucción de casas, bienes y cultivos originando, así, millares de refugiados". Para acabar, evoquemos a un tercer grupo de intelectuales marroquíes (y españoles) que, tras los atentados del 11M, lanzaron a sus respectivos gobiernos un llamamiento para "poner fin a la espiral de confrontación".

Es evidente que estas manifestaciones, entre cientos de otras, a favor de los ideales comunes magrebíes, no constituyen más que un segmento de un todo universal, sin embargo, la fuerza motriz de los intelectuales marroquíes está apareciendo desde hace poco en sus actividades referentes a los problemas de nuestra región. Así es el caso del Diálogo Judeomarroquí (DJM), o también los amazighófonos de Marruecos, víctimas de ataques raciales y de la negación absoluta de sus derechos culturales.

Si compartimos con estos intelectuales marroquíes el esfuerzo y la aspiración a la libertad y el bienestar, deberán también meditar sobre, e incluso comprometerse con, la causa saharaui, una causa digna de consideraciones serias. Es en este sentido que interpelamos a los intelectuales marroquíes, escritores, poetas, artistas, hombres de letras y pensadores de cualquier orientación (independientemente de su lengua de expresión: beréber, árabe multiconfesional o lenguas latinas).

La generación de marroquíes que vivieron la "marcha verde" ha sido constantemente engañada, y no a razón de la falta de información creíble que les llegaba con cuentagotas, lo que es comprensible, sino por el hecho de que quienes controlaban los centros universitarios falsificaban la verdad de los hechos referentes a la sociedad saharaui. Apoyaron esta proyección denominada pacifista, ocultando las masacres deliberadas de los saharauis por parte de las tropas marroquíes y las reiteradas batidas del Ministerio del Interior que, todavía hoy, siguen sufriendo nuestros paisanos. En este sentido, hay que recordar que una cantidad considerable de publicaciones de carácter científico (revistas, coloquios, etc.) y de desinformación sistemática de la MAP , condujo al pueblo marroquí por una vía desviada respecto a la causa saharaui en su propio repertorio histórico y respecto a su derecho de constituirse en estado soberano.

Citemos los trabajos de Abdellah Laroui, encarnación ideal de la exaltación dominante del pensamiento "académico" de Marruecos. En sus escritos, calificados de serios (véase L'Histoire du Maghreb, FM/Coll. Maspero, París, 1976, 208 ps.) los saharauis permanecen completamente desconocidos. Ni hablar, y con razón, de insertarlos en su "ensayo de síntesis", ni siquiera de garantizar una eventual "marroquidad histórica del Sáhara Occidental". Tampoco hubo nada en su obra sobre el nacionalismo marroquí, sin embargo, en sus bocetos históricos (véase Centre Culturel Arabe, Casablanca, 1992, pp. 149-154) escribe lo siguiente sobre el llamamiento monárquico del 16 de octubre de 1975: "Recurriendo a una receta probada por todos los colonialistas del mundo, los argelinos atraen a ciertas tribus Erguibat que nomadeaban entre Guelta y Tinduf: reunieron en Argel a estudiantes originarios de regiones vecinas y les animaron para organizarse en movimiento...". En este caso, este historiador psicólogo, sabe de qué lugar habla (la pleitesía a su rey) mas no sabe de qué se trata. Puede que tampoco supiera que gracias al pueblo argelino y a la nación argelina, así como a otras naciones, miles de saharauis se salvaron de ser diezmados por las bombas de todo tipo de Hassán II, lanzadas sobre nuestros desamparados exiliados. La presencia de ánimo de los argelinos para evitar que este pequeño pueblo de menos de un millón de habitantes, en su mayoría seminómadas, sufran un destino semejante al genocidio provocado por los herederos de la "Puerta Sublime" contra los armenios, en la misma línea que otras masacres llevadas a cabo por déspotas orientales. Pero no es aquí donde se va a responder a todos los argumentos de este "historiador del Magreb" y sus discípulos, pues ya se hizo en otra parte (1), sino que queremos recordar que sus enunciados son reveladores de toda una generación de universitarios.

Los intelectuales no pueden quedar al margen de los acontecimientos, a excepción, claro está, de los amantes de la gloria, como es el caso de un Taher Ben Jelloun en "Cette aveuglante absence de lumière" o también Le Clézio (Gens des nuages), salvando precisamente el hecho de que es la primera vez en la historia del Magreb que saharauis y marroquíes se encuentran juntos, encerrados, rodeados de muros y desprovistos de todas las libertades de movimiento y de acción. Y eso que no luchan por la misma finalidad. Mas hizo falta que estas víctimas fuesen liberadas para que testificasen en innumerables obras y relatos y para que los intelectuales buscaran la comprensión de estos fenómenos y actuaran en consecuencia para que se hiciera justicia.

Es obvio que los golpes de estado (1971 &endash; 1972) y los años de encarcelaciones en masa, antes y después de ellos, no pueden reflejar por sí solos las fisuras del "Majzén Real". Ni cuando éste bombardeaba a nuestros refugiados en su propio territorio ( momento en que habíamos perdido la ilusión de la comprensión de Marruecos) ni durante su búsqueda absoluta de imponer el juramento de fidelidad por todos los medios. La fisura también apareció desde que Hassán II rehusó recuperar, a mediados de los noventa, a los 185 soldados marroquíes capturados durante duras batallas y liberados por las autoridades saharauis. Esto fue el paroxismo del cinismo.

Los aliados más próximos de Marruecos (el Gobierno español, aliado pasivo desde los Acuerdos de Madrid, 1976, y el Gobierno francés, aliado activo desde 1958) pensaban ayudarle a salir de esta impostura del Majzén, sin embargo, no han hecho más que hundirle en el abismo del expresionismo y de la precariedad de pensamiento. Por ello, los decenios 1970 &endash; 1980 fueron años de guerra mortífera, pues hubo entre 25 y 30 mil muertos desde 1976 hasta 1991, además de los desaparecidos, los desplazados, los deportados y los desarraigados. Revelamos a tiempo la incapacidad de Marruecos para construir por sí solo los muros, pues apeló a potencias capitalistas extranjeras que, ellas también, estaban preparando minuciosamente "La Tempestad del Desierto" en Oriente Medio, y que tendría lugar justo después. Efectivamente, la guerra del Sáhara Occidental era objeto de observaciones operacionales (la guerra de movimiento frente a la guerra de posiciones). La implantación de estos muros marroquíes son muestra del deseo de los americanos israelíes de llevar a cabo experimentos para no repetir los errores fatales de la guerra de Vietnam. El muro de la vergüenza que ha construido el Gobierno israelí alrededor de Cisjordania y de Jerusalén y que ha modificado el paisaje geográfico y político en Oriente Próximo, no es más que una réplica tardía de los 6 muros marroquíes construidos para partir en dos nuestro territorio. Si el muro Sharoniano "de separación" tiene como finalidad el encerrar a los palestinos, el muro marroquí tiene como tarea el dejar campar a las FAR en posiciones fijas en espera, como en el desierto de los tártaros, de la irrupción de los combatientes saharauis o de cualquier otra acción política (como es el caso de la marcha de militantes españoles e italianos hacia el muro).

Estos acontecimientos no han suscitado todavía un análisis pertinente por parte de los intelectuales y universitarios marroquíes, y eso que, recordémoslo, están comprometidos en otras partes y por buenas causas. Sin embargo, el actual cambio que sopla en Marruecos se origina a partir de la coyuntura posterior a los años de plomo. Es un periodo marcado por la emergencia de una prensa bastante libre en Marruecos (como aquella de los años 1960 a 1965) para que los marroquíes sean informados por sus propios medios de lo que pasa en su país y para que se investigue sobre los excesos de sus autoridades y, también, sobre nuestros territorios ocupados saharauis. Se observa una desaparición gradual de los términos (tales como los mercenarios, los secuestrados, etc.) para dejar paso a otros más realistas como es el de independistas saharauis. Se afirma también la existencia de una nueva realidad: la utilidad de nutrir a los saharauis próximos al poder (como aquellos que los españoles estuvieron cebando durante los años posteriores a la operación Écouvillon); la utilidad de nutrir a un ejército marroquí de 120 mil hombres, la amplitud del tráfico de los barones militares marroquíes (los coroneles del muro). El estatus mismo del muro, que divide en dos al mismo pueblo, empieza a asombrar a la opinión pública y a la sociedad civil marroquí.

En este sentido, periodistas e investigadores marroquíes han empezado a analizar la guerra dando prueba de una auténtica escucha de los acontecimientos (véase Karim Boukhari y Amale Samie, La vérité sur la guerre du Sahara, Tel Quel, nº 123, 2004). "El muro de seguridad construido por los israelíes, escribe el autor Kébir Jbil, el 26 de abril de 2004, desencadena las pasiones y suscita polémicas excepcionalmente intensas. La mala fe de nuestros intelectuales, de nuestros periodistas, escritores, historiadores y especialistas de todo género, aprovecha la propaganda antiisraelí para tender a un antisemitismo visceral propagado por el integrismo musulmán".

Volvemos para acabar viendo los llamamientos lanzados por las diferentes instancias saharauis. El Presidente de la República, Mohamed Abdelaziz, apeló al pueblo marroquí, el día 2 de junio de 2005, para que "tome nota del desafío de la paz" a fin de "estar en conformidad con las resoluciones internacionales y los valores humanitarios que constituyen el pedestal de los Derechos Humanos y el derecho a la autodeterminación de los pueblos", y asociarse con sus hermanos saharauis para "mirar juntos hacia el futuro con optimismo y esperanza (...) a pesar del rechazo del Gobierno marroquí a reconocer la existencia de 155 soldados saharauis y de mantener en el secreto total a 500 desaparecidos civiles cuyo destino sigue siendo desconocido". Este llamamiento lanzado a la élite marroquí no es un "delirio", como lo sugiere el diario marroquí Le Journal, reprochando a nuestro presidente "no haberse dirigido en ningún momento al soberano" en este llamamiento. Una memoria corta es imperdonable. Los saharauis no desperdiciaron ninguna ocasión para interpelar a los intelectuales marroquíes, pues se trata de una política constante de nuestro presidente, de nuestro Parlamento y de nuestros comités locales, quienes reiteraron sistemáticamente el llamamiento al pueblo y a las instancias dirigentes marroquíes. El Presidente saharaui, durante su visita a París el 11 de mayo de 1998, apeló "al rey de Marruecos para cumplir sus compromisos a favor del referéndum de autodeterminación en el Sáhara Occidental", así como con ocasión de la muerte de Hassán II, el 23 de julio de 1999, cuando su hijo Mohamed VI accedió al trono.

Recordemos, por otra parte, que un verdadero diálogo fue instaurado y siempre animado entre los saharauis de la independencia y los militantes marroquíes, a partir de una conciencia y de un reconocimiento mutuo de los problemas de unos y de otros. Nos alegramos porque el alto el fuego ha sido respetado (aunque las FAR lo han violado muchas veces); el levantamiento de minas continúa haciéndose por las dos partes; las medidas de confianza instauradas entre el Frente Polisario y Marruecos fueron una señal de buena voluntad. Además, la guerra no arrastró a los dos pueblos, como es el caso de otros países en África y Asia, hacia una espiral de violencia interminable. Pues el combate, como lo confirman las experiencias históricas, no es la finalidad de las hostilidades, puesto que la justa guerra llevada antaño por los saharauis contra los herederos de Hernán Cortés, frente a las imprudencias de los mauritanos y, ahora, contra la hegemonía marroquí, cambia de naturaleza pero nunca cambia de objetivo.

Las conversaciones o negociaciones políticas oficiales entre los saharauis y los marroquíes, que aumentaron también con la voluntad y el compromiso de Hassán II, actualmente han sido frenadas aun cuando el Majzén quiere imponernos una "autonomía" que no responde a nuestras expectativas y es contraria a nuestras representaciones colectivas saharauis. Nuestra fidelidad nos hace confiar en el diálogo con el pueblo marroquí, lo cual no significa para nosotros, los saharauis, un juramento de vasallaje sino una continuación de ese diálogo del que deben formar parte los intelectuales marroquíes.

París, 15 de junio de 2005.

(1) Véase Ali Omar Yara, L'insurrection sahraouie de la guerre à l'Etat, ediciones L'Harmattan, París, 2003. Se recuerda a los lectores que una grave omisión se ha cometido respecto al objeto de nuestros análisis, reduciéndose, así, nuestra reflexión a favor de un estado saharaui independiente. Algunas reseñas, imprudentes o malintencionadas, presentan en París esta obra como "un alegato por un estado islámico saharaui", lo cual está desprovisto de toda verdad relativa a nuestro apego al materialismo histórico y que sólo compromete a nuestra andadura de sociología histórica.


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